La reconnaissance des proches aidants : un long chemin !

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En France, le terme « d’aidant » apparaît pour la première fois dans la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. La loi d’adaptation de la société au vieillissement du 28 décembre 2015 a été plus loin, en leur donnant un véritable statut légal.

Est désormais « considéré comme proche aidant d’une personne âgée son conjoint, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité et son concubin, un parent ou un allié, définis comme aidants familiaux, ou une personne résidant avec elle ou entretenant avec elle des liens étroits et stables, qui lui vient en aide, de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne. »

Les aidants manquent d’informations

Ils seraient ainsi entre  8,3 millions et 11 millions à accompagner au quotidien « un proche en situation de maladie ou de handicap quel que soit son âge ».

Et pourtant pour Jacques Rastoul, de la CFDT Retraités, qui a récemment mené une enquête auprès de 1 521 proches aidants, « de nombreux aidants ignorent qu’ils le sont et donc leurs droits », notamment pour l’APA, l’aide au logement, ou au répit… « Il y a du travail pour leur faire connaître les dispositifs, dont certains existent depuis la loi de 2002. De nombreux droits ne sont donc pas connus ni activés. »

Les difficultés d’accès aux informations et leur mauvaise visibilité sont un constat répandu, notamment au sein d’Eurocarers, réseau européen regroupant 65 organisations d’aidants ou laboratoires de recherche spécialisés, qui a mis en ligne une plateforme européenne d’informations.

Pour rompre l’isolement, il faut développer des moments d’échanges. C’est l’objectif des Cafés des Aidants®, dispositif créé par l’Association française des aidants. Selon une étude d’impact publiée en avril 2017, il en existerait désormais 125 sur le territoire, répartis sur 45 départements.

« Dès la première venue, les aidants relativisent leur situation et trouvent un réconfort : 74 % des aidants affirment que le Café leur a permis de réaliser qu’ils ne sont pas seuls à vivre cette situation » et 72 % ont répondu qu’ils considéraient mieux vivre leur situation depuis qu’ils le fréquentent.

Répercutions sur la santé

Selon l’enquête de la CFDT, les femmes seraient plus nombreuses à mener cette activité (64 %), 74,5 % sont retraités, 58,5 % viennent en aide à l’un de leurs parents, 6,8 % à un conjoint et 6,8 % à un enfant ou un adulte handicapé. Nombreux sont ceux qui ont évoqué des répercussions sur leur santé (47,7 %). Un chiffre qui rejoint celui d’un travail d’analyse réalisé par l’Association française des aidants en 2015, où 48 % des interrogés avaient répondu rencontrer des problèmes de santé qu’ils n’avaient pas avant d’être aidants (61 % des problèmes de sommeil, et 63,5 % des douleurs physiques).

Pour l’association, il serait ainsi nécessaire de former les professionnels à la prise en compte des aidants, mais aussi de renforcer la dynamique de coopération entre les différents acteurs sur les territoires, afin de faciliter leur orientation. Autant de projets qui, en améliorant les conditions d’exercice de cette activité, rendraient plus aisée sa conciliation avec leur vie sociale et professionnelle, et leur permettraient ainsi de préserver leur santé.

De fait, la relation avec les professionnels est au cœur des préoccupations de nombre d’entre eux. Près de 30 % des enquêtés de la CFDT les ont en effet jugées « parfois » ou « souvent » difficiles. Ce qui explique que parmi les principales attentes figure « une meilleure coopération entre les personnes aidées, leurs aidants et l’ensemble des intervenants professionnels » (34,6 %), avant l’augmentation de l’APA par un dédommagement du montant horaire (33 %), davantage de temps d’aidants professionnels (29 %), ou encore la prise en compte pour la retraite du temps passé avec l’aidé (29 %).

Territoires expérimentaux

Toujours selon l’enquête de la CFDT, l’accès aux congés de proche aidant, prévu dans la loi de 2015, ferait aussi partie de leurs principales attentes. Il vient d’ailleurs de faire l’objet, en avril, d’une proposition de directive européenne qui préconise l’introduction d’un congé de cinq jours par an rémunérés au moins à hauteur de la prestation de maladie.

L’accès au répit, aussi prévu dans la loi de 2015, est également plébiscité. S’il existe actuellement un grand nombre d’initiatives en France, elles restent limitées à des dispositifs très locaux (lire initiative p. 19), les freins étant nombreux notamment en termes de droit du travail. C’est ce que montre le rapport (2) de l’ancienne députée et rapporteuse de la loi Vieillissement Joëlle Huillier, remis le 22 mars, sur les conditions de transposition en France du modèle québécois du « baluchonnage », renommé ici « relayage ».

Celui-ci implique que les aidants puissent être remplacés par des personnes qualifiées au domicile de la personne accompagnée, au minimum deux jours et une nuit consécutifs, permettant ainsi à l’aidant de quitter son domicile, et à l’aidé de rester dans son environnement. Pour Joëlle Huillier, même si les politiques de maintien à domicile ont connu un réel succès, « on a peut-être un peu oublié que dans de nombreux cas, ce sont les proches aidants qui l’ont rendu possible par leur présence, leur abnégation et par le sacrifice de leurs loisirs et de leur vie privée parfois ».

« Une présence continue pendant un minimum de 36 heures répond aux besoins non seulement de l’aidé qui ne voit pas défiler des intervenants tout au long de la journée, mais aussi à celui de ces derniers qui ont souvent exprimé leur sentiment d’être dans la maltraitance. En effet, il faut 7 à 8 heures pour mettre en place un climat entre l’aidé et le professionnel. » Le rapport a mis en place un comité de suivi national qui, d’ici à la fin de l’année, lancera l’appel d’offres visant à identifier trois territoires expérimentaux.

Les associations incontournables

En attendant, les associations sont indispensables pour soutenir les aidants. C’est notamment ce que montre l’étude « Être aidant : une solidarité en mouvement. La contribution des associations pour soutenir les aidants » du sociologue Franck Guichet, réalisée à la demande du Crédit Agricole Assurance, qui lance depuis plusieurs années un appel à projets national pour financer les associations œuvrant en faveur des aidants.

Après avoir distingué celles qui gèrent déjà des établissements et mènent donc déjà une activité d’accompagnement et de prise en charge, de celles qui représentent les malades, les personnes handicapées ou leurs familles, le sociologue reconnaît que le secteur associatif dans son ensemble s’est fortement mobilisé en faveur des aidants. « Et ce, avant même que des rapports ou des politiques publiques soient lancés. Les associations apparaissent ainsi comme des acteurs totalement légitimes et déjà bien avancés. En effet, elles ont su capitaliser des expériences d’accompagnement très individuel, grâce à leurs connaissances sur l’intimité des actes d’aide. Par ailleurs, en amenant de très nombreux aidants à parler de leur situation, elles ont non seulement pu identifier une multitude de situations diverses, tout en les accompagnant dans la réflexion autour de leur rôle, et sur les conditions pour préserver la qualité de leurs relations. »

En espérant qu’elles soient prises en considération par la nouvelle ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, qui, auditionnée en juillet par la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, a déclaré vouloir poursuivre l’effort en matière de soutien aux aidants. Source: gazette-sante-social.fr

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