L’aidant est la personne qui vient régulièrement en aide, à titre non professionnel, à une personne de son entourage qui ne peut effectuer seule tout ou partie des activités de la vie quotidienne.
Cette aide peut prendre plusieurs formes : activités domestiques, gestion du budget, hygiène et soins, soutien moral, aide à la communication…
Elle peut être prodiguée pour une période plus ou moins longue, de façon ponctuelle ou permanente.
L’aidant peut être le parent, l’enfant, le conjoint, le partenaire de vie, mais aussi un voisin, un ami.
La personne aidée peut être une personne âgée, malade ou handicapée, un adulte ou un enfant.
S’il est une question que se posent en permanence les aidants c’est bien celle de savoir s’ils font bien, s’ils font assez, s’ils peuvent faire mieux, s’ils peuvent faire plus… pour la personne fragilisée qu’ils accompagnent.
Ce questionnement de l’aidant sur son propre savoir-faire est bien légitime mais il entraîne un effet pervers : celui d’être pris au piège du doute, du sentiment de culpabilité, du «faire toujours plus».
Aussi plutôt que la question du «comment faire», ne faut-il pas poser en préalable la question du «comment être» aidant ? Question d’autant plus importante qu’elle concerne, ou va concerner, pratiquement un jour ou l’autre chacun d’entre nous.
La question du positionnement par rapport à la personne aidée
Nous ne devrions jamais cesser d’être d’abord et avant tout ce que nous avons toujours été pour la personne aidée : son mari ou sa femme, son fils ou sa fille, son frère ou sa sœur, son père ou sa mère, son ami-e…
La perte d’autonomie ne doit pas faire oublier ce lien préexistant qui doit continuer à être le cadre de la relation aidant-aidé.
Rester dans ce cadre permet de poser des limites salutaires à ne pas dépasser, au risque de s’épuiser et de perdre toute forme de vie personnelle ou sociale. Cela permet aussi à la personne aidée de conserver son individualité, sans se sentir complètement dépendante de la personne qui lui apporte son aide.
Quelques exemples illustreront ces propos. En perdant de vue que la personne aidée est avant tout :
– Un parent → un fils ou une fille risque de vouloir faire tout à sa place, accentuant ainsi le sentiment douloureux de dépendance du parent vis à vis de ses enfants.
– Un enfant devenu adolescent ou adulte → les parents aidants risquent de ne pas lui laisser l’intimité à laquelle il a droit, quel que soit son handicap ou sa maladie.
– Un conjoint → le partenaire aidant risque d’oublier l’importance de l’expression des individualités respectives au sein du couple…
Le lien d’origine devrait toujours servir de point de repère, à la fois pour l’aidant car cela lui permet de poser des limites, et pour l’aidé car il reste avant tout le parent, l’enfant ou le conjoint de la personne qui l’aide.
Apprendre à être aidant/devenir aidant
Ainsi, au risque de surprendre, on peut affirmer que le savoir-être aidant est plus important que le savoir-faire en tant qu’aidant.
Nous reviendrons sur la question du savoir-faire qui n’est certes pas négligeable, mais nous allons développer cette notion de savoir-être car elle est fondamentale pour toutes celles et ceux qui sont aidants, ou s’apprêtent à le devenir du fait de la perte d’autonomie d’un proche.
Il est évident que la maladie, l’accident, le grand âge ou le handicap viennent bouleverser des vies, et que celles et ceux d’entre nous qui se retrouvent en situation de devoir soutenir un proche doivent faire face à des changements majeurs dans leur propre existence.
11 millions de personnes en France se trouvent dans cette situation à des degrés d’implication divers.
C’est lorsque l’aide nécessaire implique un engagement important de l’aidant, que la question du savoir-être est la plus déterminante. C’est pourtant dans ce domaine que les aidants se trouvent démunis, sans soutien et sans accompagnement.
L’isolement qui est le lot de la moitié des aidants, ne favorise guère la prise de recul et conduit à tout assumer soi-même.
Pourtant il n’y a aucune fatalité et les actions d’accompagnement des aidants(*), trop peu nombreuses mais existantes, montrent toutes que la première prise de conscience fondamentale est celle de se reconnaître soi-même en tant qu’aidant. Cela permet de prendre un premier recul face au rôle que l’on a à tenir auprès de la personne aidée.
Reconnaître qu’être aidant est un rôle, et non pas un état permanent et naturel, permet de poser à ce rôle des limites.
Plutôt qu’un long développement, voici quelques phrases clés, tirées de l’expérience d’aidants ayant été accompagnés dans le cadre d’une série d’ateliers groupes d’échanges(*). Ces mots sont ceux que ces femmes et ces hommes pensaient ne jamais pouvoir dire à leur proche, avant d’avoir pris le recul nécessaire pour leur permettre de maintenir une vie personnelle, voire professionnelle, tout en accompagnant leur proche.
Patricia à sa mère :
Je suis ta fille, je suis là pour t’aider à mon tour, mais je n’ai pas à m’occuper de ton intimité. Pour cela on va désormais faire appel à des aides extérieures. Cela nous permet de conserver notre lien de complicité, tel qu’il a toujours été. Tu fais seule ta liste de courses pour la semaine mais on ira les faire ensemble.
Paula à son père :
Papa, je suis là pour toi maintenant que tu es seul. Je vais t’aider à organiser la maison et le ménage avec l’aide à domicile. Par contre on se programme des petites virées tous les deux régulièrement ! Et même si tu dis que tu n’aimes plus manger, tu m’invites au restaurant !
Jean-Pierre à son épouse :
Pendant ton séjour au centre (centre spécialisé pour les séjours adaptés aux malades de sclérose en plaques – ndlr), je vais me reposer et aller rendre visite à Alain et Claudine. Je ferai aussi un peu de bricolage dans la maison, pour que tout soit au top quand tu reviens.
Claudia à son fils :
Je viendrai te chercher les week-ends (dans une maison d’accueil spécialisée dans laquelle l’entrée du jeune homme est prévue- ndlr). Pendant la semaine, je vais pouvoir reprendre un travail. Cela va nous permettre de vivre plus confortablement, et comme toi, je vais retrouver de mon côté une vie sociale.
Le point commun de tous ces aidants, au-delà de leur grande diversité de situation, est d’avoir appris à délimiter leur rôle, sans rien enlever à l’affection qu’il porte à leur proche, et à leur soutien indéfectible.
Alors qu’en début de la série d’ateliers groupes d’échanges*, tous partageaient :
– le sentiment de culpabilité de se sentir épuisés alors que c’est le proche qui est malade, âgé ou handicapé,
– le sentiment de n’en faire jamais assez pour le confort de leur proche,
– ou encore la conviction qu’ils étaient seuls à pouvoir assumer l’aide nécessaire,
le recul leur a permis de se repositionner, de poser sans culpabilité leurs propres limites, et de déléguer à des professionnels à domicile, ou en établissement dans le cas de Jean-Pierre et Claudia, des tâches qu’ils accomplissaient.
A l’unanimité, le bénéfice est réel : mieux-être de l’aidant, meilleure qualité de la relation aidant-aidé, et aussi meilleure autonomie du proche aidé.
Et le savoir-faire ?
Le savoir-faire fait appel à des apprentissages spécifiques :
– que faire et ne pas faire avec un malade d’Alzheimer,
– comment déplacer une personne à mobilité réduite ou sans mobilité,
– savoir agir face aux troubles de l’alimentation,
– comment concilier vie professionnelle et rôle d’aidant,
– savoir trouver les aides financières et/ou techniques disponibles…
! Nous consacrerons prochainement un article spécifique à ces savoir-faire.
Mais on pourrait dire aussi que le savoir-faire, c’est aussi accepter ne pas savoir faire ! En effet, dans de nombreuses situations l’aidant se trouve amené à effectuer des actes qui sont du ressort des professionnels de santé. La cause se trouve parfois dans la difficulté à trouver les aides nécessaires, mais très souvent aussi dans le fait que l’aidant ne s’est posé aucune limite dans l’aide qu’il apporte.
Considérant que son aide est normale, naturelle, et ne comporte aucune limitation, la distinction n’est pas faite entre la solidarité au sein du couple ou de la famille qui porte naturellement à soutenir le proche fragilisé, et le rôle d’aidant qui lui doit trouver des limites pour ne pas épouser les contours de la vie entière.
Beaucoup de chemin reste à parcourir dans ce sens : aujourd’hui encore, moins de la moitié des aidants se reconnaissent comme tels (selon le baromètre des aidants 2021 de la fondation April).
Or le savoir-être aidant ne peut se développer qu’à partir du moment où l’on a conscience que l’on est un aidant.
(*) source La Maison des Aidants® Association Nationale : les actions d’accompagnement des aidants sont des temps d’échanges en groupes/ateliers, animés par un spécialiste de l’accompagnement des Aidants, avec pour objectif final de permettre à l’aidant un meilleur équilibre entre sa vie personnelle et son rôle d’aidant.