Les services du premier ministre ont mis en ligne dans la soirée de samedi 25 avril un avis du conseil scientifique portant sur les prérequis et mesures phares à mettre en place pour « une sortie progressive du confinement » mis en place pour lutter contre l’épidémie de Covid-19.
Le document de 42 pages (dont 24 de fiches techniques) est daté du 16 avril pour sa partie principale et du 20 avril pour les fiches techniques. La loi du 23 mars d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 prévoit une publication « sans délai » de ces avis, rappelle-t-on.
Il est accompagné d’une note de 11 pages, datée du 24 avril, intitulée « Enfants, écoles et environnement familial dans le contexte de la crise du Covid-19 », dans laquelle le conseil « pr[end]acte » de la volonté de l’exécutif d’entamer une reprise des cours à compter du 11 mai alors même qu’il recommande dans l’avis d’attendre septembre.
Ces publications interviennent alors que le premier ministre, Edouard Philippe, présentera le plan de déconfinement lors d’une intervention mardi à 15 heures devant l’Assemblée nationale, qui sera suivie d’un débat et d’un vote.
Dans son avis principal, le conseil scientifique, mis en place auprès de l’exécutif pour le conseiller dans le cadre de l’épidémie de Covid-19, retient six « prérequis » à remplir et six « mesures phares » qui devront être opérationnelles avant d’envisager une sortie du confinement.
Il estime que les « prérequis minimaux indispensables pour une sortie du confinement » seront réunis « au mieux, courant mai 2020 ». Dans l’ordre retenu par le conseil, il s’agit de:
- la mise en place d’une gouvernance en charge de cette sortie, ce qui a été fait avec la mission confiée à Jean Castex (cf dépêche du 03/04/2020 à 10:14). Il est recommandé que la gouvernance soit « unifiée et cohérente, y compris en cas de déclinaisons régionales », qu’elle prenne en compte de façon « impartiale » les « enjeux éthiques, liés notamment aux outils numériques, qui ne doivent pas freiner la lutte contre l’épidémie », qu’elle soit « coordonnée avec les autres stratégies européennes » et qu’elle « emporte l’adhésion de la population ».
- disposer d’hôpitaux et de services sanitaires reconstitués avec « des services de réanimation et d’hospitalisation soulagés, des équipes soignantes reposées, des stocks de matériel, de traitements et d’équipements de protection reconstitués », « des établissements intermédiaires pour la prise en charge des patients issus des Ehpad [établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes] » et « une médecine de ville repositionnée en première ligne, avec intégration des outils de suivi numérique des patients Covid-19 consolidée ».
- avoir des capacités d’identification rapide des cas, de leurs contacts, et d’isolement des patients et de tous les porteurs sains contagieux. Cela repose notamment sur « une capacité diagnostique des nouveaux cas reposant sur des tests RT-PCR fiables et accessibles sur l’ensemble du territoire, après une prescription médicale » et « un système efficace s’appuyant sur la médecine de ville, des plateformes numériques, et des équipes mobiles pour identifier les cas suspects et les orienter vers des structures de tests ».
Pour le conseil scientifique, il est nécessaire de disposer de « lieux dédiés de diagnostic rapide des cas suspects » avec une capacité de transmission des résultats sans délai aux personnes, à leurs médecins et aux systèmes de suivi de l’épidémie.
Il recommande « des plateformes téléphoniques complétées par des équipes mobiles pour la prise en charge des cas diagnostiqués et de leurs contacts », « des équipes mobiles et des outils numériques pour un traçage efficace des contacts » et « des lieux d’hébergement pour les personnes souffrant de formes bénignes de la maladie ».
- disposer d’un système de surveillance épidémiologique capable de détecter les nouveaux cas et une reprise de l’épidémie avec « une couverture nationale de la surveillance des nouveaux cas, des hospitalisations et des admissions en réanimation permettant la production d’indicateurs régionaux, départementaux voire territoriaux », un suivi de la mortalité Covid-19 et autres causes, des enquêtes sérologiques pour suivre la progression de l’immunité dans la population.
- avoir mis en place une surveillance des paramètres épidémiologiques afin d' »évaluer la performance du nouveau système d’identification des cas, le risque épidémique et le risque sanitaire ».
Pour la levée du confinement, il faut que le nombre de nouvelles hospitalisations et d’admissions en réanimation « soit faible », que le nombre de reproduction (R) sur le territoire soit inférieur à 1 et que « le nombre de lits de réanimation occupés et disponibles permette de prendre en charge les cas de Covid-19, notamment s’il y a une reprise épidémique, ainsi que les autres pathologies graves ».
Le conseil scientifique note que « le niveau exact de circulation permettant une levée réussie du confinement dépendra des capacités d’identification rapide des cas, de leurs contacts, et d’isolement au moment de la levée du confinement. A titre d’exemple, lorsque l’on atteindra 10-50 admissions Covid-19 en réanimation par jour, il pourrait y avoir 1.000-3.000 personnes infectées par le Sars-CoV-2 par jour sur le territoire national ».
- disposer de stocks de protection matérielle pour l’ensemble de la population avec notamment des masques FFP2 et/ou chirurgicaux disponibles et accessibles pour les soignants ou les personnes à risque de contamination en fonction du contexte, des gels hydro-alcooliques, des « masques alternatifs de production industrielle ou artisanale anti-projection disponibles pour l’ensemble de la population et distribués en priorité aux personnes en contact régulier avec le public » et « une éducation à l’utilisation des masques par la population générale ».
Le conseil scientifique retient six mesures phares dans la perspective d’une stratégie « avec une levée progressive, prudente et monitorée du confinement et [une]adaptation des mesures en fonction des résultats épidémiologiques » sur les deux premiers mois.
Il mentionne:
- une identification et un isolement des cas et des contacts (stratégie « test et isolement »). Cela implique une déclaration volontaire par toute personne présentant une suspicion de cas, son orientation vers un lieu de diagnostic viral sur prescription médicale, son information « la plus rapide possible » en cas de positivité, son isolement dans l’attente du résultat, et « l’isolement immédiat des cas confirmés dans des conditions adaptées à l’environnement de la personne concernée, et qui peuvent aller de lieux de type hôtel à un confinement strict dans la résidence habituelle ».
Il faudra ensuite identifier le plus rapidement possible les contacts (par enquête intensive mobilisation d’outils numériques « en cours de développement »), diagnostic par RT-PCR (la disponibilité des tests rapides ne devrait intervenir que « dans un second temps »). En cas de positivité, le processus décrit ci-dessus s’applique; en cas de négativité, « une quarantaine de 14 jours à domicile doit être respectée ».
- le maintien de la distanciation sociale et le renforcement des gestes barrières. Il est notamment recommandé une distance minimale d’un mètre « dans tous les lieux publics, les commerces et les transports en commun », la fermeture administrative des lieux recevant du public qui ne seraient pas en mesure de proposer des masques de protection et de la solution hydro-alcoolique.
« Le conseil scientifique souhaite insister sur le sentiment de sécurité donné à tort par le port du masque [qui doit être « systématique » dans les lieux recevant du public]. Il n’est efficace que couplé avec un strict respect des mesures barrières et de distanciation sociale et au respect des consignes d’utilisation », indique-t-il dans son avis.
- l’autorisation des déplacements urbains et péri-urbains dans le respect des mesures déjà énoncées avec la volonté de contenir la reprise du travail grâce au télétravail, et un étalement des horaires. Le conseil est aussi favorable à la reprise des transports en commun interrégionaux, toujours dans le respect des mesures barrières et de la distanciation sociale. Les déplacements internationaux sont « très fortement déconseillés durant les mois suivant la période de sortie du confinement »
- des règles applicables aux populations à risque de formes graves et/ou risque de transmission.
Pour les plus de 65 ans et les patients atteints de pathologies chroniques, il est rappelé que « ces personnes sont exposées à un risque individuel très élevé de développer des formes graves ». Il leur est conseillé de « respecter un confinement strict et volontaire ». Concernant spécifiquement les personnes en Ehpad, « la poursuite d’un confinement cependant aménagé est nécessaire, en trouvant de façon urgente des moyens de liaisons sociales entre les résidents et leur famille (visite virtuelle, tests diagnostiques RT-PCR Covid avant une visite physique…) ».
- la réalisation à intervalle régulier d’enquêtes permettant d’estimer l’immunisation dans la population, y compris les enfants. Les tests sérologiques sont considérés comme « un outil pour les épidémiologistes » mais ils « ont une utilité réduite pour la prise en charge individuelle ».
- la mise en place d’une communication ciblée sur les différents publics cibles « afin de renforcer l’adhésion de nos concitoyens ».
Cette communication « doit s’inscrire de manière stable et dans le long terme, correspondant aux perspectives de retour à la normale, quitte à être raccourcie par la suite, plutôt que l’inverse, chaque rallongement représentant un coût important dans un contexte émotionnellement sensible ».
Source : apmnews.com