Il y a quelques jours une personne proche m’a dit : Tu te coupes du monde, tu vis dans une bulle, il faut que tu pense un peu à toi. Et voilà que la question se pose, est ce que je suis dans ma bulle ?
Et je me met à réfléchir. Elle a peut être raison ! Je sais pas. On dit ne regarde jamais en arrière. J’ai regardé en arrière pour voir si vraiment je vivais dans une bulle. Je revoyais ma vie avant que l’invité arrive dans la vie de ma maman ainsi que dans la mienne.
Vie privée, vie professionnelle, amis, famille, loisirs, disponible, sorties, une vie sociale. Et je me mets à revoir comme un film , ses six dernières années. La mémoire de maman ne fonctionne plus comme avant, il faut faire quelque chose.
Deux années ce neurologue nous a fait tourner en rond, avec la déprime, Non, pour moi c’est pas une déprime, il y a autre chose, Alzheimer ? Qu’est ce que je vais faire si c’est Alzheimer ? Difficile de dire à sa maman tu perd la mémoire, surtout quand il y a le déni de la personne.
Deux ans de doute, le verdict tombe, c’est Alzheimer, je ne suis pas surprise. Maintenant faut réagir, agir, le dire aux personnes qui nous entoure, famille, amis, patron. Je me pose plus la question de qu’est ce que je vais faire, Ma décision est prise, je serais aux cotés de maman. Et là, quand on l’annonce, on entend pleins de belles paroles, je les entend toujours, j’ai de la mémoire.
Mon patron a été très compréhensible, il ne voulait pas que je parte, j’ai connu deux années de mi-temps. Puis tout le monde n’a pas accepté l’invité, alors j’ai arrêté complètement.
Au revoir vie professionnelle, vie privée, je vous mets qu’un panneau stop, je reviendrais, mais j’ai plus important. Puis au fur et à mesure, les paroles que l’on avait entendu ne sont que des paroles, rien d’autre. J’ai un combat avec cet invité à mener, même si je sais que c’est perdu d’avance, Mais si je dois lutter pour lui mettre quelques obstacles pour éviter qu’il descende trop vite les paliers J’y mettrais tout mon cœur, je trouve petit à petit des clés aux portes qu’il me ferme grâce à cette formation en cinq modules.
Puis je revois ces soirs où je me sentais seule, je ne parle pas beaucoup et à qui en parler ? Vont-ils comprendre ? On voit de moins en moins de monde. C’est un invité, pas la peste ! Puis quand on en parle, les personnes sont gênées, elles ne savent pas quoi dire, on a juste l’impression de faire de la peine .Ce n’est pas ce que je recherchais.
L’éloignement s’installe, moins de visites, on n’est plus utile, plus disponible, on s’en rend compte, on ne dit rien, on observe tout en continuant notre combat en silence. Puis les réseaux sociaux m’ont permis de connaître des personnes, des personnes comme moi, avec les même chaussures, celle d’aidant. Des personnes formidables, que je n’aurais jamais connu si je n’avais pas ces chaussures. On partage tout, pas que notre vie d’aidant, Nos joies, nos peines, nos projets, nos pensées, nos sentiments, nos réconforts, nos soutiens, des amis, des amis virtuels, mais des vrais amis.
Alors , oui peut être que je suis dans ma bulle dans cette bulle que l’invité a formé autour de moi. Mais cette bulle aujourd’hui m’a permis de survoler et d’ouvrir les yeux. De voir la vrai personnalité de ce monde qui m’entourait , avant que je porte mes chaussures d’aidant. C’est triste de voir la vérité, quand une épreuve, un combat , un accident , une perte s’introduit dans votre vie.
Alors oui, je suis dans ma bulle, celle où je suis ce que je suis, aidante, une fille qui tient les mains de sa maman, Une fille qui n’a pas changé son regard envers sa maman, une fille qui continue de faire vivre cet amour. Celle qui m’a permis de voir en survolant ce que j’avais perdu et gagné, Celle où je suis avec l’invité et maman, celle où j’ai mes moments de complicités avec maman, Celle où on a nos parties de fou rire à nous, celle aussi où on a nos moments de lutte contre l’invité avec douceur. Celle où maman garde sa dignité, celle qui m’a appris la patience, fait découvrir que le langage d’une caresse, d’un bisous, d’un câlin, d’un regard pouvait remplacer les mots. Celle qui m’a permis de rencontrer beaucoup de personnes virtuelles au grand cœur.
Effectivement je suis dans ma bulle, mais je ne suis pas devenue sauvage pour autant. Car cette bulle à une porte de sortie, que j’ouvre peu souvent pour m’aérer. Ce n’est pas moi qui s’est coupé du monde, mais c’est le monde qui s’est coupé petit à petit de nous, sûrement la réponse à cette bulle qui nous enveloppe. Doune.