Etre aidant.e au temps du confinement
Forces et faiblesses de notre système social
Pascal Jannot président fondateur de La Maison des Aidants® et Vice président du collectif Je t’Aide propose son analyse grâce aux nombreux témoignages des Proches Aidants qui nous sollicitent pendant ce confinement.
L’expérience que nous vivons met en lumière les forces et les faiblesses de l’ensemble de notre système social. Sa force lui a permis notamment :
- de compenser en partie les pertes de salaires ou de revenus,
- de soutenir les entreprises,
- d’assurer la continuité du versement des prestations sociales ou des pensions.
- d’éviter la rupture de la solidarité nationale : prestation universelle maladie, complémentaire santé solidaire, allocations liées au handicap, RSA etc… toutes ces prestations ont fait l’objet d’une prorogation automatique.
La réactivité de notre système a aussi rapidement permis l’extension de l’arrêt de travail aux personnes vivant avec un proche à risque grave face au covid 19. On ne les a pas nommés « aidants », encore moins « salariés-aidants », et pourtant les pouvoirs publics ont pris en compte cette réalité.
Mais derrière la force des institutions, il y a aussi les faiblesses de la réponse sociale qui compliquent davantage le quotidien des Aidants déjà difficile en temps ordinaire.
Aidants.es confiné.es
Parmi les hommes et les femmes qui composent la société et qui traversent tant bien que mal cette période, il en est 11 millions qui ont la particularité d’être des aidants. Ils font partie de celles et ceux qui éprouvent le plus les lacunes ou les paradoxes de la réponse sociale.
Celles et ceux que l’on voit peu, que l’on entend peu, se sont tournés dans leur désarroi vers les associations qui ont vocation à les soutenir.
Des questions angoissées qui révèlent tout le retard (on pourrait même parler de procrastination) de la société à mettre en œuvre un plan ambitieux de soutien pour les aidants.
Celui-ci, tant attendu (voir « Agir pour les aidants – Le plan gouvernemental de mobilisation et de soutien »), ne verra qu’en octobre 2020 ses premières mesures concrètes. A cette date notamment est prévue l’entrée en vigueur du congé de proche aidant rémunéré. Celui-ci aurait été pourtant, en cette période, fort utile à beaucoup de salariés-aidants.
Les aidant.es doivent faire face à des problèmes innombrables durant cette crise. Pour n’en citer que quelques uns :
- pas de masques pour eux, même sur prescription médicale. Ils ne sont pas soignants professionnels… mais ils prodiguent pourtant des soins.
- Suppléance des aides à domicile absentes pour raison d’épidémie,
- Compensation des passages plus rares des infirmiers, …
- retour prématuré au domicile d’un proche hospitalisé, dans un contexte de pénurie des aides à domicile,
- malades atteints de troubles neuro-dégénératifs difficiles à maintenir confinés, en n’ayant plus la sous-pape des accueils de jour.
Le volet de l’enquête de Que choisir intitulé « Confinement – L’inquiétude pour les personnes âgées » éclaire en partie le vécu des aidants pour leur proche en Ehpad ou à domicile.
Enfin beaucoup d’aidants font part de leurs difficultés pour des choses élémentaires du quotidien. Les interprétations du motif « d’assistance aux personnes vulnérables » sont parfois très restrictives.
- La réglementation ne prévoit pas que l’on puisse sortir avec son proche âgé pour une promenade… l’aidant ne peut pas laisser l’aidé seul.e à la maison, et le proche aidé ne peut sortir seul.
- Dans le cas ou aidant et aidé vivent séparément, le motif n’est évidemment pas davantage valable.
- Certes ce point a fait l’objet d’un assouplissement, mais pour les seules personnes handicapées. Pas pour les personnes âgées.
- Certains aidants n’ont pas pu faire admettre leur bonne foi alors qu’ils apportaient des courses à leur parent âgé résidant à plusieurs kilomètres.
! Voir à ce sujet l’article sur le site « Que choisir » l’article « Visite à un proche âgé : un flou qui laisse trop de place à l’arbitraire »
- D’autres enfin doivent dans la précipitation accueillir chez eux un proche que les conditions drastiques du confinement mettraient en réel danger s’il devait rester seul à son domicile.
Ces femmes et ces hommes se sont tournés vers les associations, avec la conscience (et cela est un fait nouveau) qu’ils sont aidants, mais aussi avec l’étonnement de découvrir qu’ils n’ont aucun statut.
Pour toutes ces raisons le Collectif Je t’aide a publié un communiqué de presse demandant aux pouvoirs publics d’accélérer la mise en œuvre du plan « Agir pour les aidants ».
Le collectif rappelle en outre sur son site un certain nombre d’actions associatives de soutien, informations et conseils aux aidants, accessibles par téléphone.
L’après 11 mai
Chacun de nous attend de voir comment évoluera la vie personnelle, sociale, économique, professionnelle… après le déconfinement.
Pour rappel, les salariés-aidants peuvent se référer au site de l’assurance maladie, mis à jour au 1er mai 2020 : ameli.fr
Depuis le 20 avril 2020, certaines mesures ont été assouplies concernant le droit de visite en Ehpad.
On peut consulter le site du gouvernement dédié au covid 19, et notamment les rubriques « Informations officielles » et « Questions/réponses ».
Enfin, il est à noter que depuis le 06 mai afin de lutter contre l’isolement des personnes âgées et de leurs Aidants le portail rompre-isolement-aines.gouv.fr, est en ligne.
Cette période de confinement a permis de mettre en lumière un certain nombre d’acteurs jusqu’alors invisibles dont font partie les aidants.
Les professionnels de santé, de l’accompagnement ont également découvert une partie du rôle de ces Aidants et doivent maintenant les comprendre pour mieux les accompagner
Après le 11 mai est-ce que plus rien ne sera comme avant ?!
Pascal Jannot
Président fondateur de La Maison des Aidants®
Vice président du collectif Je t’Aide