L’ « être aidant » s’arrête-t-il à la porte de l’établissement ?

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Lorsque le maintien à domicile atteint ses limites, et que la personne dépendante est confiée à un établissement, qu’en est-il de cet «Aidant» (époux, enfant…) et des liens importants qu’il a tissés avec la personne dont il n’a plus désormais la «charge» ?

Un soulagement pour lui lors de l’entrée de son proche en établissement ?
Une diminution de sa fatigue? Du temps personnel retrouvé?
La fin d’une responsabilité devenue écrasante?

Oui sans doute…
Oui mais… Car cette réalité s’accompagne – on le sait – de sentiments et d’émotions complexes, contradictoires, paradoxaux.

Du rôle d’Aidant qu’il avait à domicile, il passe au rôle de « Proche » au regard de l’établissement. Il devient en quelque sorte un « Ex-Aidant »…

Qu’advient-il de la relation qui s’est construite, pendant parfois très longtemps, autour de cette interdépendance entre l’Aidant et l’Aidé?…

Certes, chacun vit cette transition de façon personnelle, plus ou moins bien, plus ou moins mal… Mais l’on peut dire qu’il y a presque toujours, parmi les termes qui suivent, au moins un dans lequel chaque Aidant qui s’est préalablement beaucoup investi auprès de son proche, pourrait se reconnaître au moment de l’entrée en établissement :

Perte de sens – Perte de l’espoir – Perte d’identité – Chagrin – Solitude – Sentiment de déloyauté – « Deuil blanc » – Deuil de la vie d’avant –…

Et ces souffrances qui ne s’expriment pas, ces sentiments de culpabilité qui ne s’avouent pas, ces questions qui ne trouvent pas de réponse, ces craintes qui ne sont pas apaisées…
se traduisent souvent, de la part de l’«ex-Aidant», par un comportement de surinvestissement ou de contrôle… réel ou perçu comme tel par les professionnels de l’établissement.

Ce comportement, difficile à vivre pour le personnel, peut vite se cristalliser en conflits : de territoire, de compétence, de légitimité… et générer du mécontentement.
Avec une pointe d’humour grinçant, on pourrait dire que ces ex-Aidants finissent par excéder!

Alors plutôt que de s’épuiser en conflits nuisibles à tous (Résidents, Proches-aidants et Personnels) peut-être faut-il se poser une question simple :

L’ « être aidant » s’arrête-t-il à la porte de l’établissement ?

Non, le plus souvent, ce n’est pas le cas : le désir de maintenir la relation d’aide perdure. Et, cela est important à souligner, il perdure indépendamment de la qualité de vie qu’offre l’établissement.
La relation d’aide n’a pas d’autre cadre pour tenter de se reconstruire que celui de l’Etablissement, qui est désormais le domicile de la personne dépendante.

Est-ce un problème en soi ?
Non, mais c’est un désir qui peut engendrer des tensions s’il n’est pas compris par l’équipe toute entière de l’établissement et s’il est perçu exclusivement, et sans décodage, sous le mode de l’ « omniprésence » de l’entourage.

Le passage du domicile à l’établissement est souvent vécu dans la rupture. De nombreuses initiatives s’efforcent de réduire ce sentiment vécu par la personne âgée.
Mais il faudrait aussi inclure dans ces efforts la prise en compte des Proches-aidants, car eux-aussi vivent ce changement dans un conflit intérieur violent.

Cette prise en compte ne peut passer que par une authentique connaissance de la part des personnels des établissements du rôle que tiennent les Aidants à domicile.
C’est de la connaissance que découle la reconnaissance. Et c’est de la reconnaissance que peut découler le changement de regard sur les Proches-Aidants : ils peuvent dès lors devenir des ressources pour l’établissement !

Faire des Proches-Aidants des partenaires de l’établissement : tel est l’enjeu. C’est un enjeu de mieux-être pour tous, qui ne nécessite pas de grands moyens, mais une forme de créativité, car il faut en inventer les modalités.

Nombre d’Ehpad disposent de différentes formules d’accueil temporaire. On peut penser qu’avec le « droit au répit de l’Aidant », apporté par la loi ASV, ces établissements vont devoir davantage prendre en compte le binôme Aidant-Aidé et la relation d’aide qui le lie.
En effet, au-delà des moyens financiers alloués à l’Aidant, l’exercice de son « droit au répit » sera largement conditionné par la qualité du dialogue et de la compréhension qu’il trouvera auprès des structures de répit.

C’est l’occasion pour les établissements d’explorer un champ nouveau, qui va bien au-delà de la « relation avec les familles ». C’est l’opportunité pour l’Ehpad d’être un acteur majeur du « droit au répit de l’Aidant » et un garant de la qualité de ce répit.

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Pascal Jannot

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