La reconnaissance que je veux

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On parle beaucoup ces derniers temps de la reconnaissance des aidants, on met en avant le « nouveau » droit à répit proposé dans la loi Autonomie, le mot « aidant » apparaît de plus en plus dans les articles publiés dans les médias, les appels à témoignages se multiplient, aussi bien de la part de journalistes que de prestataires d’aides à domicile (et on se demande si c’est pas uniquement de la pub sur ce qu’ils font)… Mais ce qui est la « reconnaissance » que JE veux, c’est quelque chose qui est plus profond, la reconnaissance que je veux, c’est qu’on me respecte pour ce que je fais, pour ce que je sais, pour ce que je dis, pour ce que je demande (quand je vais jusqu’à demander car au bout d’un moment on se lasse de demander)… Et là, c’est le désert, c’est le vide (vertigineux), c’est le silence absolu (étourdissant).

L’Etat dit qu’il fait beaucoup pour les personnes dépendantes et pour les personnes handicapées, il donne ses chiffres, mais il ne dit JAMAIS ce que les aidants de ces mêmes personnes font, les chiffres équivalents que les aidants « donnent » en temps, stress, atteinte à leur santé, et argent. Si l’Etat disait simplement « voilà, on remercie les aidants, parce que grâce à eux, leur contribution à la prise en charge de la dépendance et du handicap c’est 160 milliards d’euros chaque année, 20000 euros en moyenne par an par aidant », et bien oui, cela me satisferait, cela serait la « reconnaissance » que je veux voir et lire.

Cette reconnaissance, elle existe pas plus loin que chez les Anglais, le gouvernement anglais reconnait le montant de la contribution des aidants (c’est 119 milliards de £ chaque année), et bien j’envie les aidants anglais parce qu’au moins ils ont cette reconnaissance là de la part de leur gouvernement, même si cela ne leur donne pas un sou de plus….

Les associations d’aidants font beaucoup pour les aidants, elles le disent et le proclament, et c’est sûrement vrai, mais moi, quand j’envoie un témoignage à une association d’aidants, et que cette association d’aidants n’accuse même pas réception de mon témoignage, alors je dis que je n’ai pas eu la reconnaissance que j’attends. Les associations qui me disent que je dois rester à ma place de proche, et pas intervenir sur le domaine des professionnels, très bien, mais elles sont pas là la nuit quand mon proche me réveille pour aller aux toilettes, elles sont pas là quand je change les draps la nuit parce qu’il y a eu un nouvel « accident » d’incontinence, elles sont pas là le WE quand aucune infirmière ne vient….

Je dois laisser la personne que j’aide sans être lavée ??? Et qui paie ? Le reste à charge de la famille, il n’est toujours pas officiel, aucune association sauf France Alzheimer ne calcule ce reste à charge pour la famille, pour l’aidant. Et quand pour finir, on m’explique que je dois prendre du temps pour moi, quand j’arrive à prendre une heure ou deux pour moi, qu’on me dise pas que je dois participer à des groupes de paroles pour sortir de mon isolement. Je le fais très bien par téléphone et par Internet, par les réseaux sociaux… Mais pourquoi justement les associations d’aidants n’ont pas de forum internet où les aidants peuvent échanger entre eux ? La réponse qui m’a été donnée, c’est que sans un psychologue ou un médecin qui modère ces forums, les aidants peuvent être induits en erreur…. C’est l’exemple parfait de reconnaissance que » j’attendais » : moi aidant, je suis incapable de savoir ce qui est bon pour moi ou pas, seul un médecin ou un psychologue ou une assistante sociale sait ce qui est bon pour moi.

Merci pour la reconnaissance, oui merci…. Emilie

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