Prends soin de toi

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Lorsque je me suis approché d’elle, elle m’a juste dit : « regarde » et elle m’a montré son genou, il avait triplé de volume. « J’ai des anti-inflammatoires à prendre, a-t-elle ajouté, mais je ne peux pas conduire, j’ai besoin que quelqu’un passe chez le pharmacien les chercher. »Je suis vite partie pour chercher son traitement. Après je me suis assise près d’elle pour parler avec elle, car la cruelle réalité du quotidien m’interpellait…

Mais, lui ai-je dit, comment fais tu pour t’occuper de ton mari avec ton genou malade ? Son mari a la maladie d’Alzheimer, avec de gros problèmes respiratoires en plus. Elle m’a dit qu’elle faisait tout à cloche-pied, et que pour descendre l’escalier (sa chambre est à l’étage) elle le faisait assise, marche par marche, sans prendre appui sur sa jambe malade. Et elle a rajouté en baissant les yeux : »tu comprends, je ne peux pas me permettre d’être malade »…

J’ai pris des nouvelles d’elle les jours suivants. Sa fille l’a emmené voir un médecin pour soigner son genou. Mais dans toutes les conversations téléphoniques que j’ai avec elle, elle ne me parle que de l’état de santé de son mari, et de l’évolution de la qu’on veille. On existe plus, ils ont pris toute la place. La maladie qui les ronge grignote aussi notre cerveau, il n’y a plus de place pour rien d’autre. On se lève avec Alzheimer, on mange Alzheimer, on se couche avec Alzheimer.

Pour d’autres c’est le cancer, l’AVC du conjoint. Même préoccupation, même lavage de cerveau. Et bien entendu, sur notre route, on rencontre des amis qui se trouvent malins de nous dire : « et surtout, prends soin de toi !! ». Quand j’entends ça j’ai des envies de meurtre. Je sais que seuls les aidants peuvent comprendre… Marie-Claude

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