Journée Nationale des Aidants 2019 : Pour qu’aider ne rime plus avec précarité

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La précarité des aidants

« Pour qu’aider ne rime plus avec précarité »… c’est sous l’égide de cette légitime attente que s’est déroulée le 6 octobre la 10ème journée nationale des aidants.

Le thème de la précarité a été choisi par les aidants eux-mêmes au moyen d’un vote en ligne.
Le collectif Je t’aide a donné un approfondissement inédit sur la question, en abordant la précarité sous tous les aspects impactant la vie des aidants : précarité financière, professionnelle, sociale.

Une précarité qui devient aussi injustice lorsque, par le jeu des rôles assignés aux femmes, elle pèse plus directement et plus durement sur les aidantes.

Une précarité qui menace de s’amplifier si l’on se réfère au 5ème baromètre des Aidants publié par la fondation April et BVA. Certains indicateurs sont en effet à la hausse et sont des indices généralement aggravants de la vie des aidants. :

  • plus d’aidants actifs,
  • plus d’aidants vivent avec l’aidé.

Un autre indice est en augmentation : celui du nombre d’aidants se reconnaissant comme tels. Il est à interpréter plutôt positivement dans la mesure où les aidants sont de moins en moins enclins à considérer leur rôle comme « normal » ou « allant de soi » de façon inconditionnelle et quelle que soit la charge.

Je rappelais en début d’année 2019 (En 2019 on ne pourra plus dire que l’on ne savait pas !) le nombre et la qualité des rapports récents sur la question des aidants.
Les mesures attendues :
– le grand plan de mobilisation en faveur des aidants dont l’annonce est prévue le 23 octobre prochain,
– et la future loi «Autonomie et grand âge» prévue pour 2020,
devraient s’en trouver largement inspirées.

Mais il reste que l’État ne s’est plus préoccupé depuis 2008 d’initier une grande enquête sur les aidants, qui permettrait de prendre la mesure de l’enjeu, et de mettre en œuvre une politique globale de soutien pour tous les aidants.

L’indemnisation du congé de proche aidant, annoncée par la Ministre des Solidarités et de la Santé, est un vrai progrès. Mais on en voit déjà les limites :

  • Les cas de figure où un même aidant devra accompagner au cours de sa vie plusieurs proches sont appelés à être plus nombreux. Or ce congé est limité à un an pour l’ensemble d’une carrière,
  • Actuellement seuls les aidants de personnes âgées en Gir 1, 2 ou 3, et les aidants de personnes présentant un taux d’incapacité d’au moins 80 % pourront en bénéficier.
    Comment feront les aidants d’un proche atteint d’un cancer, victime d’un AVC, d’un accident de la route…?

La question des aidants reste difficile à appréhender car elle est en évolution permanente.
Se demander aujourd’hui qui sont les aidants est loin d’être une question superflue, Elle demande de toute urgence à être non seulement étudiée mais surtout observée dans sa mouvance, ses évolutions, ses déclinaisons. Une question digne d’un observatoire en somme.

Le docteur Hélène Rossinot, avec qui j’ai eu le plaisir de partager l’antenne lors d’une émission sur Radio France Internationale, vient de publier un ouvrage – « Aidants, ces invisibles » – qui révèle, au travers de portraits sensibles, le vécu intime d’aidants de proches. Un quotidien souvent douloureux car vécu dans l’isolement, en marge d’une société dont ces proches aidants s’excluent à bas bruit.

C’est pour que ces situations sortent de l’ombre, et que la société se mette en devoir d’apporter un réel soutien aux aidants que La Maison des Aidants et le collectif Je t’aide demandent, entre autres, aux pouvoirs publics d’engager une étude nationale pour prendre toute la mesure de l’enjeu.
Car des prises de conscience partielles conduisent à des réponses partielles, bien loin de l’ambition d’une société qui doit assumer positivement les conséquences de sa longévité.
Et la longévité n’est pas seulement une question d’âge, mais de poursuite de la vie en situation de maladies chroniques, de handicaps ou d’accidents.
Le baromètre April/BVA souligne d’ailleurs l’augmentation du nombre de conjoints aidants, dont beaucoup sont amenés à éprouver la difficulté de concilier leur rôle avec leur vie professionnelle, mais aussi la difficulté de maintenir le lien conjugal au travers, comme l’analyse bien
cet article de Libération, de ces multiples gestes « tue l’amour ».

Pascal Jannot
Président fondateur de La Maison des Aidants
Vice président du collectif « Je t’Aide »

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